Page:Apollinaire - L’Enfer de la Bibliothèque nationale.djvu/282

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et le quinzième commencé en février 1753, au milieu des dégoûts dont l’auteur était abreuvé à la cour de Prusse. Lorsqu’il fut arrêté à la porte de Francfort, il tira d’un portefeuille quelques papiers et les remit à Colini, en lui disant : « Cachez cela sur vous. » Colini les cacha dans le vêtement qu’un auteur ingénieux a nommé : le vêtement nécessaire. Lorsqu’il examina le précieux dépôt, il vit que c’était tout ce que Voltaire avait fait de son poème.

En 1754, les copies étaient multipliées tellement que Voltaire regardait l’impression comme inévitable, et comme « une bombe qui devait crever tôt ou tard pour l’écraser » (Lettre à d’Argental, 13 juin et 21 juillet 1755). Ces inquiétudes étaient prématurées. Elles redoublèrent en 1755, et il prit le parti de faire écrire par Mme Denis au lieutenant-général de police à Paris, pour le prier de faire des recherches : elles n’aboutirent à rien, ainsi qu’on le voit par le rapport de d’Hémery (le manuscrit de ce rapport était, en 1832, en possession de Beuchot), inspecteur de police, en date du 19 juin 1755. Mal disposé contre Voltaire, d’Hémery croit que l’impression n’aura lieu que du consentement de l’auteur. Dans un second rapport du 24 juillet, il signale la quantité de manuscrits qui sont à Paris dans les mains d’amis ou de connaissances de Voltaire ; « entre autres M. d’Argental, Mme de Graffigny, le sieur Thieriot, Mme Denis, Mme la comtesse de la Mark, M. le duc de La Vallière, qui n’aura sûrement pas manqué d’en donner une expédition à Mme la marquise. »

Cette marquise est Mme de Pompadour, à qui Voltaire en avait adressé une copie à la fin de juin, ou au commencement de juillet (Lettres à d’Argental). Quant au duc de La Valière, il lui en avait adressé un manuscrit vers le même temps. Mais ce riche amateur avait très bien pu s’en procurer un auparavant ; il en avait du moins marchandé un, dont on lui demandait cinquante louis.

C’est sur un manuscrit divisé en quinze chants que Darget avait fait à Vincennes, en mai 1755, une lecture de la Pucelle à quelques personnes. Cependant la lettre à d’Argental, du 6 février 1755, parle d’un dix-neuvième chant, qui était entre les mains de Mme du Thil, anciennement au service de Mme du Châtelet…

La police, continuant ses recherches, soupçonna un abbé de la Chair, ancien habitué de l’hôpital, et brouillé avec l’archevêque,