Page:Apollinaire - La Femme assise.djvu/58

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d’amour ceux-là seuls qui appartiennent à l’élite de l’humanité.

Cette fille, dont la beauté était insolente à un point qu’il n’y a point d’homme qui ne l’eût aimée à la folie, trompait mon ami avec ceux qui le voulaient bien, et moi-même, qu’on me le pardonne, je délibérai longtemps entre l’amitié et le désir.

Impudique, d’une façon que ne peuvent manquer d’admirer ceux que la vie a assez malmenés pour qu’ils soient devenus bigles de l’âme et borgnes du cœur, Maud passait sa vie, dévêtue, dans l’appartement de mon ami. Et quand il était sorti, la débauche entrait dans sa demeure.

Et cette fille, cette Maud, faisait-elle partie de l’humanité ?

Elle n’en parlait aucun langage, mais un dialecte hybride, un mélange d’anglais, de français, de tournures belges et germaniques.

Un philologue l’eût adorée, un grammairien n’eût pu que la détester malgré sa beauté.