Page:Apollinaire - Le Flâneur des deux rives.djvu/30

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avait connu au petit séminaire. Ces deux élèves de Mgr Dupanloup étaient l’un et l’autre la modestie même. Leurs styles, extrêmement précis, se ressemblent. Liseux, peu bavard, était, m’a-t-on dit, lorsqu’il ouvrait la bouche, plein d’esprit et du plus mordant.

Au moment du boulangisme, quelqu’un vint acheter, chez Liseux, de la part du fameux général, je ne sais quel ouvrage d’ethnologie orientale qui était sur le point de paraître. Liseux s’excusa et demanda où il faudrait envoyer le livre lorsqu’il aurait paru. On lui donna l’adresse du général, en ajoutant après le nom de Boulanger : « Le premier de son nom de qui on ait parlé ; ainsi fut Bonaparte. »

Et Liseux répliqua vivement :

« Pardon, un Bonaparte assistait au siège de Rome, en 1527. »

Un jour, il vit, sur le quai, un ouvrage très rare et qui lui aurait été utile, mais il n’avait pas sur lui l’argent que coûtait le livre. Vite, il alla engager sa montre au Mont-de-Piété. Mais, lorsqu’il revint, l’ouvrage était vendu. Liseux s’en alla dépité. Il racontait parfois cette histoire, ajoutant :