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LES ONZE MILLE VERGES


mesure, avertir que vous n’étiez pas Fédor, et maintenant allez-vous en.

— Hélas ! s’écria Mony, vous êtes parisienne pourtant, vous ne devriez pas être bégueule… Ah ! qui me rendra Alexine Mangetout et Culculine d’Ancône.

— Culculine d’Ancône, s’exclama la jeune femme, vous connaissez Culculine ? Je suis sa sœur Hélène Verdier ; Verdier c’est aussi son vrai nom et je suis institutrice de la fille du général. J’ai un amant, Fédor. Il est officier. Il a trois couilles.

À ce moment on entendit un grand brouhaha dans la rue. Hélène alla voir. Mony regarda derrière elle. Le régiment de Préobrajenski passait. La musique jouait un vieil air sur lequel les soldats chantaient tristement :

Ah ! que ta mère soit foutue !
Pauvre paysan pars en guerre,
Ta femme se fera baiser
Par les taureaux de ton étable.
Toi, tu te feras chatouiller le vit
Par les mouches sibériennes
Mais ne leur tends pas ton membre
Le vendredi, c’est jour maigre