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À SA MARRAINE

des poètes du XVIIe siècle. Vous parlez ma chère amie de réalisation grossière après un flirt sincère ; peut-être que si la réalisation n’était pas grossière, les amants n’auraient-ils pas de désillusion, mais en général on s’occupe si peu d’embellir l’amour ; puis, il arrive que la femme n’y met pas du sien et que la pudeur mal entendue décourage les bonnes volontés. Et puis comment s’étonner que les amours aient une fin quand notre vie en a une. Il ne faut pas demander à l’amour plus qu’il ne doit donner et ceux qui sont raisonnables, c’est-à-dire les poètes, mettent à profit les souffrances de l’amour en les chantant. Mais vous êtes mariée et mon cœur est bien à l’abri près du vôtre.

Quand j’irai en permission, Dieu sait quand ! j’irai sans doute en Algérie. Je m’embarquerai, je crois, à Port-Vendres qui n’est peut-être pas très éloigné de Montpellier et peut-être voudrez-vous bien me venir voir à l’aller ou au retour. Ce me serait une bien grande joie d’avoir vu ma marraine.

Écrivez-moi vite, ma chère marraine, entre temps j’espère avoir pu faire des vers qui vous plaisent. En attendant quoi, je vous prie de m’envoyer