Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/102

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la gorge jusqu’au manche, et recueille le sang qui en sortoit, dans un petit vase, avec tant de soin, qu’il n’en paroissoit pas une seule goutte. Voilà ce que j’ai vu de mes propres yeux.

La bonne Meroé ne voulant pas même, comme je crois, oublier aucune des cérémonies qui s’observent aux sacrifices (43), met sa main droite dans la blessure, et la plongeant jusqu’au fond de ses entrailles, elle arrache le cœur de mon pauvre camarade, pendant qu’il sortoit par cette plaie une voix, ou plutôt des sons mal articulés, et que ce malheureux rendoit l’esprit avec les bouillons de son sang.

Panthie boucha cette ouverture, quoiqu’elle fût fort grande, avec une éponge, en disant : Et toi, éponge, née dans la mer, garde-toi de passer par la rivière. Cela fait, elles ôtèrent le lit de dessus moi, et les jambes écartées sur mon visage, elles m’inondèrent entièrement d’une eau sale et d’une odeur infecte.

A peine furent-elles sorties, que la porte se releve et se remet à sa place, les gonds rentrent dans leurs trous ; les barres qui étoient derrière se rapprochent, les verroux se referment ; et moi étendu comme j’étois par terre, faible, nud, gelé, et tout mouillé, comme si je n’eusse fait que de sortir du ventre de ma mère, demi-mort, ou plutôt survivant à moi-même, et comme un homme destiné