Page:Apulée - Les Métamorphoses, Bastien, 1787, I.djvu/90

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langue indiscrète ne vous attire quelque chose de fâcheux. Comment, lui dis-je, quelle sorte de femme est-ce donc que cette personne si puissante, cette reine cabaretière ? C’est, dit-il, une magicienne à qui rien n’est impossible, qui peut abaisser les cieux, suspendre le globe de la terre, endurcir les eaux, détremper les montagnes, élever dans l’olympe les esprits infernaux, en précipiter les Dieux, obscurcir les astres, éclairer le Ténare même. Quittez, je vous prie, lui dis-je, ce style tragique, ployez ce rideau comique, et parlez un langage ordinaire.

Voulez-vous, me dit-il, entendre une ou deux, ou même un plus grand nombre des choses qu’elle a faites ? car de vous dire que non-seulement les gens du pays l’aiment éperdument, mais encore les Indiens, les Æthiopiens (27), enfin les Antichthones mêmes (28) de l’un et l’autre hémisphère, c’est un des moindres effets de son art, c’est une bagatelle, au prix de ce qu’elle sait faire : écoutez ce qu’elle a exécuté aux yeux de plusieurs personnes.

D’un seul mot, elle a changé en castor un de ses amans qui avoit eu commerce avec une autre femme dont il étoit amoureux, afin qu’il lui arrivât la même chose qu’à cet animal, qui, pour se délivrer des chasseurs, se coupe lui-même les testicules (29). Elle a transformé en grenouille un cabaretier de ses voisins, qui tâchoit de lui ôter ses pratiques, et présentement ce vieillard nageant dans un de ses