Page:Arène - Œuvres, 1884.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Depuis ce temps, Horace et Virgile, et les impressions de mon enfance, et les choses de mon pays, tout se mêle et tout se confond. Vieux chênes verts que je prenais pour le hêtre large étendu des bergeries latines ; petit pont sonore sous lequel j’ai tant rêvé, retentissant tout le jour des bruits de la grand’route qu’il porte, musique de grelots, battement régulier des lourdes charrettes, et voix rauque des paysans ; maigres ruisseaux presque à sec l’été, mais dont le murmure parmi les galets et les rocs sonnait harmonieux à notre oreille ainsi qu’un son de flûte antique ; lointains souvenirs, paysages demi-effacés, je n’ai pour les faire revivre qu’à ouvrir deux livres bien jaunis et bien usés, les Géorgiques et les Odes. Il y a là des fragments d’idylle, où vous ne verriez rien, et qui sont pour moi un coin de vallon ; des hexamètres emmêlés entre lesquels j’aperçois encore, comme entre les branches d’un buisson, le nid de merles que je découvris une après-midi en levant mes yeux de sur mon Horace ; des strophes qui veulent dire un sommeil à l’ombre et dont moi seul je sais le sens. Est-ce dans Virgile, est-ce dans Horace tout cela ? Certes je l’ignore ! Libre à vous de jeter au feu ces vieux livres, si vous ne trouvez pas sous leurs feuillets les fleurs desséchées de votre enfance, et si derrière les saules virgiliens, au lieu des blanches épaules de quelque Galatée rustique, vous apparaît pour tout sou-