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FRIQUETTES ET FRIQUETS

où le père Mayeux s’était-il procuré un tel monstre ? Voilà ce que personne ne sut jamais.

N’importe ! l’esturgeon provoqua parmi nos jeunes appétits un enthousiasme voisin du délire. Mais bientôt l’enthousiasme se calma, et au bout d’une semaine d’esturgeon, nous commençâmes à trouver que ce mets d’abord jugé digne des dieux, s’éternisait un peu sur la carte.

Car, et ceci me fit comprendre le miracle de la multiplication des poissons, malgré la vaillance de nos mâchoires, ce diable d’esturgeon n’avait pas l’air de diminuer sensiblement. Il était toujours là derrière les vitres, avec son museau allongé en groin, sur les algues maintenant raides et gelées.

On espérait parfois au réveil que l’esturgeon serait fini ; mais, chaque matin, d’un regard mélancolique jeté de côté, il fallait constater que l’esturgeon persistait encore.

D’ailleurs, pas moyen d’y échapper. Le père Mayeux avait décrété qu’il fallait avant tout achever l’esturgeon ; et puis Louisette, dès votre entrée, avait une si douce, si engageante façon de commander :