Page:Arène - Friquettes et friquets, 1897.djvu/183

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
L’ESTURGEON

— Un esturgeon soigné pour M. Savinien…

Oh ! cette voix de Louisette ! oh ! le supplice de l’esturgeon !

À la fin, je pris un grand parti.

Ayant calculé que l’esturgeon pouvait durer encore trois jours, je me résignai à feindre un voyage et à m’en aller chercher ma nourriture loin des jolis yeux de Louisette.

Cette imprudence me fut fatale. Après trois jours, quand je revins, ô joie ! plus d’esturgeon dans la vitrine. Mais à ma place, près du comptoir et de Louisette qui riait, un sculpteur, mon rival, plus résistant que moi à l’esturgeon, achevait tranquillement de dévorer la tête du monstre.

La place ne me fut pas rendue. Désormais Louisette m’ignora… et voilà, conclut Savinien, pourquoi mon cœur se serre et mon estomac se contracte lorsque je pense à l’esturgeon.