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FRIQUETTES ET FRIQUETS

bibliophile ne lit point ses livres, heureux de posséder à portée de sa main, avec le raffinement néronien de n’y point toucher, tous les trésors séculairement accumulés de l’idéal et de la philosophie.

Voici, cependant, en quelles conjonctures le bon Gandolin faillit voir compromis à jamais un si parfait bonheur.

Gandolin était homme, héla ! et bien que, par sage calcul, il eût, jusqu’aux marges de ses cinquante ans, prudemment évité les embûches des amours extra-mondaines où, sous prétexte de rester libres, finissent par s’engluer, en des toiles d’araignées pires, tant d’infortunés concubins, il lui arrivait quelquefois, certains soirs surtout qu’il avait trop regardé les étoiles, leur trouvant, dans sa mélancolique rêverie, de singuliers et touchants rapports avec les paillettes d’or pâli demeurées au dos des volumes, oui ! il arrivait à Gandolin de ramener dans son logis — fleur de nuit cueillie au hasard, inoffensive mandragore — quelqu’une de ces petites malheureuses, à la fois canailles et ingénues,