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LE SAULE-MARSEAU

L’ensemble, argent et or mêlés, fait un bouquet incomparable.

Et j’étais fier de mon bouquet, insolemment fier, je le jure ! lorsque, éborgnant voisins et voisines, je m’installai, vers les six heures, dans le véhicule vraiment commode, qui, du bas de Châtillon, vous ramène au cœur de Paris.

Qui m’eût dit que je ne le rapporterais pas intact m’eût à ce moment bien étonne. Tel était pourtant son destin, écrit de toute éternité sur le livre de la destinée.

Par hasard, une jeune fille — n’allez pas, sur ce simple mot, croire à l’éternelle et banale aventure d’amour — mais enfin, c’est la vérité : une jeune fille, une ouvrière, se trouvait par hasard assise en face de moi.

Belle ? Non ! distinguée plutôt avec son profil amaigri qu’encadrait une manière de capuce, ses grands yeux noirs brûlés de fièvre, et l’aristocratie de ses mains affinées par la maladie.

Elle aussi tenait un bouquet : quelques rameaux de ronce, métallique et persistant feuillage bronzé aux gelées récentes de l’hiver, et quelques bruyères flétries.