Page:Arène - La Chèvre d’or.djvu/105

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mener, sans trop d’accidents, d’un bout à l’autre de l’année, le troupeau mécréant dont le destin l’a fait pasteur.

Le matin où, vaincu par tant d’insistance, je m’arrêtai et lui parlai, à travers la brosse de sa barbe, sa peau brune se colora d’une enfantine rougeur ; et cet homme de Dieu, incapable de dissimuler une vraie joie, m’écrasa les phalanges d’une poignée de main si cordiale que tout de suite je devinai qu’avant de porter calice et ciboire, il avait, montagnard frotté d’un peu de latin appris à l’étable en hiver, plusieurs années durant poussé la charrue dans l’humble ferme paternelle.

Savant à sa manière, grand amateur de pots cassés, grand collectionneur des sous antiques que les paysans ramassent parfois à fleur de sol après la pluie, et ne rentrant au presbytère que les poches bourrées de cailloux, l’abbé Sèbe, depuis que M. Honnorat, aimable jadis, s’enfonce dans une paresse de plus en plus turque, n’est pas fâché de trouver quelqu’un à qui confier le trop-plein de ses observations et de ses pensées.

Je m’intéresse aux Romains qu’il aime ; lui,