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Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/207

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LE TOR D’ENTRAYS.

Le père Antiq, tandis qu’il lavait ses guêtres, avait vu l’abbé Mistre monter le raidillon. Il ne lui avait rien dit, n’aimant pas les prêtres. Pourtant il avait remarqué son air particulièrement empressé, le grand rouleau de papier qu’il portait sous le bras ; et, malgré lui, il ne pouvait s’empêcher de réfléchir à ces choses.

— Monsieur Blasy, le propriétaire du château d’Entrays, serait-il ruiné ? Et l’abbé Mistre, comme il a fait pour tant d’autres, va-t-il l’exécuter, et mettre le Tor le plus haut en parcelles ?… À cette idée, le vieux paysan salivait, et songeant à ses deux sacs d’écus en réserve, aux beaux terrains qu’on morcellerait, il choisissait d’avance et ne se sentait pas d’aise.

Puis, réfléchissant, il se disait que cela était impossible. M. Blasy évidemment se trouvait dans de mauvais draps. La mise en vente de quelques terres, son intimité avec l’abbé Mistre, tout l’indiquait. De plus, maints regards échangés entre le prêtre marchand de biens et maître Chabre, le notaire, n’avaient pas échappé à cet œil aiguisé de paysan. Mais, d’autre part, le père Antiq savait bien, il le savait ! que l’abbé Mistre jouait double jeu dans cette affaire ; il savait (ayant surpris un mot de cela, certain soir qu’il taillait des arbres) que ce n’était pas précisément la ruine du brave Blasy qu’on cherchait. Il y avait autre chose dans le plan de l’abbé, une sacrée idée de mariage, soupçonnée du seul père Antiq, qui