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Page:Arène - La gueuse parfumée - récits provençaux, 1907.djvu/359

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LE CANOT DES SIX CAPITAINES.

— Hardi, capitaines, encore un tour !

Encore un tour :… cran… cran… Le canot oscilla sur sa quille, la foule fit silence, Fabien, se sentant mourir, ferma les yeux.

Soudain, un horrible craquement, puis des jurons ; et un immense cri poussé par la foule.

Immobile depuis deux ans sur le calcaire aigu de l’îlette, brûlée du soleil, battue du mistral, ruinée par les alternatives de la chaleur et de la gelée, la Castagnore, sous une secousse trop brusque imprimée au cabestan par l’irascible Barbe et le fougueux Arluc, la Castagnore venait de tomber en miettes.

L’heure sonnait ; le tambour de ville battait toujours : ran tan plan !… ran tan plan !… sur le bateau de la Prud’homie ; mais, de l’événement, les courses se trouvèrent retardées, et le coup de fusil, signal attendu, ne partit point.

— Sauvé ! pensait Fabien. Sa joie fut de courte durée.

Au même moment, un son de trompe retentissait en guise de salut, et, gracieusement incliné sous sa voile latine, un petit yacht, que nous connaissons, rompant la ligne des bateaux rangés déjà, venait jeter l’ancre devant le musoir du Bigorneau.

— Les pirates ! cria la foule.

— Le Singe-Rouge ! soupira Fabien ; et, voyant à l’arrière une silhouette de femme, le peintre ajouta :

— Tout est perdu encore, les gredins me ramènent Brin-de-Bouleau.