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le peintre et la pie.

Ce fut, rue Notre-Dame-des-Champs, une procession :

« Voyez donc, Senez, ce verre de Venise que j’ai eu pour rien chez un Auvergnat. Croyez-vous que cela ferait bien pour une toile de dix, avec des marguerites et un rayon de soleil dedans ? »

Et on laissait le verre et les marguerites sous le rayon, en belle lumière.

D’autres fois c’étaient des faïences : un Rouen, un Nevers aux vives couleurs, un Moustiers aux ornementations délicates ; ou bien de vieux livres usés aux angles, grignotés par la dent des rats, mais pittoresques d’autant plus dans l’or terni de leurs reliures.

On essaya de groupements bizarres cachant des symbolismes mystérieux : un nid de mésanges, six petits œufs bleus piqués d’orange, dans un crâne ; une bassinoire historiée à côté d’une musette Louis XV au bâton d’ivoire, au sac de satin rose frangé d’argent.

Puis ce fut le tour des fruits : raisins, fraises, pommes et poires, écroulements de pêches en velours, avalanches de prunes couleur de cire et d’ambre ou poudrées de poussière bleue : « Pose-moi ça dans un panier rustique ; ajoute une abeille, une guêpe volant dessus, et tu m’en diras des nouvelles. »

Un peintre antibois fit venir d’Antibes toute une cargaison d’oranges, de cédrats, de pastèques et de grenades. « Superbe !