Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/113

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Il faut savoir, pour expliquer la poésie préalable de ce projet, que Nanette, lorsqu’elle exerçait l’honorable état de modèle, avait, chez des peintres divers, posé un certain nombre de morts d’Ophélie.

Et désormais, elle se voyait en Ophélie, très belle, un peu pâle, les yeux clos déjà mais souriante, au milieu de nénuphars fleuris et de lys d’eau, car elle oubliait la saison.

Cependant l’aurore était venue, la triste aurore de ces jours d’hiver, et Nanette, en deux tours de main rhabillée, se trouva seule dans la rue.

— « Pourvu qu’il passe un fiacre, songeait-elle, par un frisquet pareil il serait vraiment dur d’aller ainsi se périr à pied ! »

Mais aucun fiacre ne passait, au grand désespoir de Nanette.

Nanette vit des laitiers et des bouchers, des porteuses de pain trottant avec des miches rousses dans leurs sarraus bleus relevés, des vidangeurs vêtus de cuir pareils à des guerriers barbares, et des distributeurs d’imprimés qui, mystérieux et pressés, glissaient leurs feuilles sous les portes.

Enfin un fiacre s’amena, maraudeur éperdu, qui roulait sur le pavé gelé avec un grand bruit de ferraille.

— « Psitt !…

— Voilà, ma petite dame ! répondit, entre