Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/291

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De tout temps, au milieu de l’égoïsme universel, Florimon et Martial avaient vécu comme frères, mettant en commun l’espérance, puis la fortune. Sur leur amitié, comparable à un ciel uni, jamais le plus léger nuage. Aussi ne me trouvai-je pas médiocrement étonné, au milieu d’une conversation jusque-là très affectueuse, de voir soudain Martial prendre Florimon au collet et de l’entendre s’écrier :

— « Je te tiens donc après quinze ans ? Ainsi c’était toi, misérable ! »

J’allais les séparer ; mais déjà ils s’étaient mis à rire, et, de tout cœur, se tendaient la main.

Quand je fus près d’eux, Martial me dit :

— « Te rappelles-tu ma noyade à Nogent ?

— Oui ! quelque temps avant la guerre. Nous allions en bande, suivant la berge. Tout à coup on se demande : Où est passé Martial ? Plus de Martial ! Des cris nous font rebrousser chemin. Nous voyons des gens qui courent, s’attroupent, et Martial ruisselant d’eau, mais repêché à point par la gaffe d’un coupeur de joncs… Il fallut une bonne heure pour t’égoutter, couché sur une pente qu’émaillaient des myosotis. D’énergiques frictions te ranimèrent. Seulement tu ne voulus rien dire et personne ne sut jamais si ton bain était le résultat d’un suicide ou d’un accident.

— D’un suicide, je l’avoue.

— Et c’est Florimon qui fut cause… ?