Page:Arène - Les Ogresses - Tremblement de terre à Lesbos - Ennemie héréditaire.djvu/54

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pour nous au pont Saint-Michel. Tout ce qui était par delà la Seine passait à nos yeux pour une contrée périlleuse et mal explorée que nous eussions volontiers représentée par un de ces grands espaces blancs des anciennes cartes d’Afrique, où, pour unique renseignement, la main enrayée du géographe écrivait en latin : « Là sont les lions. »

On se décidait cependant à passer l’eau, deux ou trois fois par an, lorsque un ami que j’appellerai Gaëtan donnait une fête.

Gaëtan était notre aîné ; sa barbe grisonnait déjà, mais son esprit gardait vingt ans.

Il habitait rue de Douai un petit hôtel contigu à celui de Francisque Sarcey, et n’avait d’autre souci que de dépenser galamment, dans le milieu d’art qui lui plaisait, les revenus d’une modeste fortune gagnée en Égypte.

Monselet, Carjat, Pothey, étaient des nôtres, et aussi le bon René d’Infreville, âme exquise envolée trop tôt !

Les bonnes soirées qu’on a vécues là, buvant, chantant, disant des vers dans le salon aux divans turcs, tendu d’étoffes orientales, sauf, quand passé minuit les voisins se plaignaient, à continuer la fête dans la cave.

Une cave peinte, s’il te plaît ! ornée de fresques comme la cave de Chinon, où les murs étaient sourds et les meubles incassables, Gaëtan, homme hospitalier et pratique, ne négligeant