Page:Arétin - La Puttana errante, 1776.djvu/22

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Je crois, monsieur, lui répartis-je, qu’il vous est fort indifférent de me voir ou non, mais si vous voulez parler à mon cousin, il sera bientôt de retour. En même temps je le fis entrer dans une petite chambre basse assez reculée, et là, sous le prétexte du prompt retour de mon cousin, je jouis de son entretien pendant quelques heures. J’étais seule au logis assez heureusement, avec une vieille servante. Ce jeune homme étoit fils d’un docteur en droit et fort connu de notre maison : c’en étoit assez pour empêcher ma mère d’être alarmée au cas qu’elle nous trouvât ensemble. Ce jour-là il me parut si aimable que j’avois peine à sauver les apparences et à me retenir de lui faire une déclaration d’amour la première. Je fis si bien qu’il s’ouvrit entièrement et me dit, avec des manières passionnées, qu’il mouroit d’amour pour moi et qu’il n’avoit osé me le dire. Je ne fis la difficile que pour mieux l’engager, et je lui permis quelques baisers, mais il me les faisoit avec une discrétion dont je ne m’accommodois guère. Il se retira après m’avoir demandé plusieurs fois avec prières qu’il pût me voir quelquefois. Je lui dis que je ne le pouvois recevoir qu’en cette chambre où nous étions, et qu’il me faudroit même ménager les occasions. Je le vis une autre fois, je le trouvai un peu plus hardi à me caresser. Comme il me pressoit extrêmement de lui promettre de le voir une fois le jour, je lui dis qu’il pouvoit venir sur le soir et entrer par la porte du jardin, d’où il passeroit aisément, dans la chambre. Il ne manqua