Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/156

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qu’elles ont exercée sur la carrière de Fresnel ne me permet pas de les taire.

Fresnel, comme tant de bons esprits, s’associa vivement en 1814 aux espérances que le retour de la famille des Bourbons faisait naître. La Charte de 1814, exécutée sans arrière-pensée, lui paraissait renfermer tous les germes d’une sage liberté. Il y voyait l’aurore d’une régénération politique qui devait, sans secousses, s’étendre de la France à toute l’Europe. Son cœur de citoyen s’émouvait en songeant que notre beau pays allait exercer cette pacifique influence sur le bonheur des peuples. Si, pendant le régime impérial, les grandes journées d’Austerlitz, d’Iéna, de Friedland, n’avaient pas fortement excité son imagination, c’est seulement parce qu’elles lui semblaient destinées à perpétuer le despotisme sous lequel la France se trouvait alors courbée. Le débarquement de Cannes, en 1815, lui parut une attaque contre la civilisation ; aussi, sans être arrêté par le délabrement de sa santé, s’empressa-t-il d’aller rejoindre l’un des détachements de l’armée royale du Midi. Fresnel s’était flatté de n’y trouver que des hommes de sa trempe, si j’en juge par l’impression pénible qu’il éprouva dès sa première entrevue avec le général sous les ordres duquel il allait se placer. Touché de l’air maladif de son nouveau soldat, le chef lui témoigne combien il est surpris qu’il veuille, dans un tel état, s’exposer aux fatigues et aux dangers d’une guerre civile. « Vos supérieurs, Monsieur, lui dit-il, vous ont peut-être commandé cette démarche. — Non, général, je n’ai pris conseil que de moi. — Je vous en prie, parlez-moi sans