Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/562

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d’émouvoir la masse du public. Il y a eu, cependant, deux exceptions à cette règle. Sur cette seule indication, chacun de vous a déjà nommé l’Amérique et les aérostats, Christophe Colomb et Montgolfier. Les découvertes de ces deux hommes de génie, si différentes, jusqu’ici, dans leurs résultats, eurent, en naissant, des fortunes pareilles. Recueillez, en effet, dans la Historia del Almirante, les marques de l’enthousiasme général que la découverte de quelques îles excita chez l’Andalous, le Catalan, l’Aragonais, le Castillan ; lisez le récit des honneurs inouïs qu’on s’empressait de rendre, depuis les plus grandes villes jusqu’aux plus petits hameaux, non-seulement au chef de l’entreprise, mais encore aux simples matelots des caravelles la Santa-Maria, la Pinta et la Niña, qui les premières touchèrent les rives occidentales de l’Atlantique, et dispensez-vous ensuite de chercher dans les écrits de l’époque quelle sensation les aérostats produisirent parmi nos compatriotes : les processions de Séville et de Barcelone sont l’image fidèle des fêtes de Lyon et de Paris. En 1783, comme deux siècles auparavant, les imaginations exaltées n’eurent garde de se renfermer dans les limites des faits et des probabilités. Là, il n’était pas d’Espagnols qui, sur les traces de Colomb, ne voulût, lui aussi, aller fouler de ses pieds des contrées où, dans l’espace de quelques jours, il devait recueillir autant d’or et de pierreries qu’en possédaient jadis les plus riches potentats. En France, chacun, suivant la direction habituelle de ses idées, faisait une application différente mais séduisante de la nouvelle faculté, j’ai presque dit des nouveaux organes, que l’homme venait de recevoir des mains de Montgol-