Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/80

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cherche. On ne me reconnut pas, car je parlais parfaitement le mayorquin. J’encourageai fortement les hommes de ce détachement à continuer leur route, et je m’acheminai vers Palma. La nuit, je me rendis à bord du mistic, commandé par don Manuel de Vacaro, que le gouvernement espagnol avait placé sous mes ordres. Je demandai à cet officier s’il voulait me conduire à Barcelone, occupé par les Français, lui promettant que, si l’on faisait mine de le retenir, je reviendrais sur-le-champ me constituer prisonnier.

Don Manuel, qui jusqu’alors avait montré envers moi une obséquiosité extrême, n’eut que des paroles de rudesse et de défiance. Il se fit, sur le môle, où le mistic était amarré, un mouvement tumultueux que Vacaro m’assura être dirigé contre moi. « Soyez sans inquiétude, me dit-il ; si l’on pénètre dans le navire, vous vous cacherez dans ce bahut. » J’en fis l’essai ; mais la caisse qu’il me montrait était si exiguë que mes jambes étaient tout entières en dehors, et que le couvercle ne pouvait pas se fermer. Je compris parfaitement ce que cela voulait dire, et je demandai à M. Vacaro de me faire enfermer aussi au château de Belver. L’ordre d’incarcération du capitaine-général étant arrivé, je descendis dans la chaloupe où les matelots du mistic me reçurent avec effusion.

Au moment où ils traversaient la rade, la populace m’aperçut, se mit à ma poursuite, et ce ne fut qu’avec beaucoup de peine que j’atteignis Belver sain et sauf. Je n’avais, en effet, reçu dans ma course qu’un léger coup de poignard à la cuisse. On a vu souvent des prisonniers s’éloigner à toutes jambes de leur cachot ; je suis le