Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 1.djvu/84

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avait enlevés à ma station du Clop de Galazo. La mer était mauvaise ; Damian crut prudent de s’arrêter à la petite île de Cabrera, destinée à devenir, peu de temps après, si tristement célèbre par les souffrances qu’y éprouvèrent les soldats de l’armée de Dupont, après la honteuse capitulation de Baylen. Là, un incident singulier faillit tout compromettre. Cabrera, assez voisine de l’extrémité méridionale de Mayorque, est souvent visitée par des pêcheurs venant de cette partie de l’île. M. Berthemie craignait assez justement que, le bruit de l’évasion étant répandu, on ne dépéchât quelques barques pour se saisir de nous. Il trouvait notre relâche inopportune ; je soutenais qu’il fallait s’en rapporter à la prudence du patron. Pendant cette discussion, les trois marins que Damian avait enrôlés virent que M. Berthemie, que j’avais fait passer pour mon domestique, soutenait son opinion contre moi sur le pied d’égalité. Ils s’adressèrent alors en ces termes au patron :

« Nous n’avons consenti à prendre part à cette expédition qu’à la condition que l’aide de camp de l’Empereur, renfermé à Belver, ne figurerait pas au nombre des personnes que nous enlèverions. Nous ne voulions nous prêter qu’à la fuite de l’astronome. Puisqu’il en est autrement, il faut que vous laissiez cet officier ici, à moins que vous ne préfériez le jeter à la mer. »

Damian me fit part aussitôt des dispositions impératives de son équipage. M. Berthemie convint avec moi qu’il souffrirait quelques brutalités qui ne pouvaient être tolérées que par un domestique menacé par son maître ; tous les soupçons disparurent.