Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

hauteurs, par l’abus du crédit, imagina, comme une sorte de compensation, de faire mettre dans les règlements que la classe des honoraires serait la seule où les moines pourraient être admis. »

Dans l’espoir de décider les autorités espagnoles à ne jamais se régler, pour les choix, sur les principes religieux des candidats, Condorcet leur posait cette question : « Croyez-vous qu’une académie composée de l’athée Aristote, du brahme Pythagore, du musulman Alhasen, du catholique Descartes, du janséniste Pascal, de l’ultramontain Cassini, du calviniste Huygens, de l’anglican Bacon, de l’arien Newton, du déiste Leibnitz, n’en eût point valu une autre ? Pensez-vous qu’en pareille compagnie on ne se serait pas entendu parfaitement en géométrie, en physique, et que personne s’y fût amusé à parler d’autre chose ? »

Condorcet ne songeait pas à Madrid seulement en demandant, pour le directeur de l’Académie, une grande autorité et de larges prérogatives. Il voulait, ce sont ses propres expressions, « délivrer les savants de l’affront le plus propre à les dégoûter : celui d’être protégés par des subalternes. » C’est là, en effet, une plaie de tous les temps et de tous les pays.

Si le Mémoire de Condorcet voit jamais le jour, peut-être trouvera-t-on qu’il s’est prononcé d’une manière trop absolue contre l’admission des étrangers parmi les membres résidents des académies. En pareil cas, l’histoire dira, à la décharge de notre confrère, qu’au moment où il écrivait, le gouvernement français prodiguait ses faveurs à des étrangers médiocres, et négligeait des hommes