Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/162

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vain, que de promulguer, en termes plus ou moins heureux, les arrêts irrévocables et déjà connus de la postérité.

Dorénavant il allait se trouver aux prises avec les exigences presque toujours aveugles des familles, avec des susceptibilités contemporaines, quelquefois amies, habituellement rivales ; enfin, avec des opinions basées sur des préjugés et des haines personnelles, autant dire avec ce qu’il y a dans le monde intellectuel de plus difficile à déraciner.

Je soupçonne que Condorcet s’exagéra outre mesure les embarras, assurément réels, dont je viens de donner l’aperçu. Je suis du moins certain que la composition de son premier éloge d’un académicien contemporain fut extrêmement laborieuse. Dans sa correspondance avec Turgot, je le vois déjà très-occupé de Fontaine vers le milieu de 1772. Au commencement de septembre, il adressait à l’illustre intendant une première copie de son travail. Le même éloge retouché, remanié, reprenait un an plus tard, en septembre 1773, le chemin de Limoges.

Ce fut, on doit en convenir, pour un écrit de vingt-cinq pages in-8º bien du temps, de l’hésitation, du scrupule. Du moins, la maxime de Boileau n’avait pas été cette fois infructueuse. D’Alembert, écrivant à Lagrange, appelait l’éloge de Fontaine un chef-d’œuvre. Voltaire disait dans une lettre du 24 décembre 1773 : « Vous m’avez fait passer, Monsieur, une demi-heure bien agréable… Vous avez embelli la sécheresse du sujet, par une morale noble et profonde… qui enchantera tous