Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/164

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et propagée par ouï-dire, que Condorcet manque, dans ses éloges, de force, de chaleur, d’élégance, de sensibilité. J’oserai ne pas être de cet avis, sans même trop m’effrayer de mon isolement.

Que répondraient, en effet, ceux qui parlent de manque de force, si je leur citais ce portrait des académiciens, heureusement très-peu nombreux, dont les noms se sont trouvés mêlés à des brigues sourdes :

« De pareilles brigues ont toujours été l’ouvrage de ces hommes que poursuit le sentiment de leur impuissance ; qui cherchent à faire du bruit, parce qu’ils ne peuvent mériter la gloire ; qui, n’ayant aucun droit à la réputation, voudraient détruire toute réputation méritée, et fatiguent, par de petites méchancetés, l’homme de génie qui les accable du poids de sa renommée. »

J’oserai renvoyer les critiques qui ont reproché à Condorcet de manquer de sensibilité, aux passages suivants de l’éloge inédit des pères Jacquier et le Seur :

… « Leur amitié n’était pas de ces amitiés vulgaires que fait naître la conformité des goûts et des intérêts. La leur devait son origine à un attrait naturel et irrésistible. Dans ces amitiés profondes et délicieuses, chacun souffre toutes les souffrances de son ami, et sent tous ses plaisirs. On n’éprouve pas un sentiment, on n’a pas une pensée où son ami ne soit mêlé ; et si on s’aperçoit qu’on n’est pas un avec lui, c’est uniquement par la préférence qu’on lui donne sur soi-même. Cet ami n’est pas un homme que l’on aime, que l’on préfère aux autres hommes ; c’est un être à part et à qui rien ne ressemble : ce ne sont ni ses qualités, ni ses vertus qu’on aime en lui, puisqu’un autre