Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/166

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« Le père Jacquier fut arraché des bras de son ami mourant, par les amis qui, pour me servir des expressions du père Jacquier lui-même, ne voulaient pas avoir à les regretter tous deux.

« Il a repris une chaire que sa santé l’avait obligé de quitter. Moins occupé de prolonger les jours que l’amitié ne console plus, il veut du moins les remplir par des travaux utiles, et suspendre le sentiment d’une douleur dont rien ne peut le guérir. Il sait qu’il ne faut pas ajouter le poids du temps à celui du malheur, et que, pour les âmes qui souffrent, le loisir est la plus cruelle des tortures. »

L’appréciation que Condorcet a donnée des mérites divers de la Condamine pourrait, si je ne me trompe, être placée sans désavantage à côté de l’éloquente allocution que Buffon adressait à l’illustre voyageur, le jour de sa réception à l’Académie française. Elle soutiendrait aussi le parallèle avec tout ce que l’éloge du même académicien, prononcé par l’abbé Delille, son successeur, renferme le plus élégant.

Les compositions biographiques de Condorcet brillent par ce qui devait naturellement en faire l’essence. L’histoire de l’esprit humain y est envisagée de très-haut. Dans le choix des détails, l’auteur a constamment en vue l’instruction et l’utilité, plus encore que l’agrément. Sans trahir la vérité, dont les prérogatives doivent primer tout autre intérêt, toute autre considération, Condorcet est sans cesse dominé par cette pensée, que la dignité du savant se confond, à un certain degré, avec celle de la science ; que les applaudissements accordés à la peinture spirituelle de tel ou tel ridicule, sont de pauvres