Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/188

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penseur. Condorcet semblait donc s’être permis une inexcusable interpolation, une blâmable supposition de texte. Cette grave conjecture acquit un poids immense, lorsque, en 1803, M. Renouard, célèbre bibliographe, déclara (ce sont ses propres expressions) qu’une recherche obstinée dans les manuscrits de Pascal, conservés à la Bibliothèque royale, ne lui avait point fait découvrir les trois mots contestés.

L’autorité de M. Renouard en pareille matière devait au moins laisser en suspens ceux-là même qui n’avaient jamais douté de la parfaite droiture de Condorcet ; mais est-il permis aujourd’hui d’invoquer le témoignage du célèbre libraire ? Ne sait-on pas que, en 1812, M. Renouard, rendant compte de ses recherches, reconnaissait loyalement que la page 4 du manuscrit presque indéchiffrable de la Bibliothèque contient la pensée de Pascal telle que Condorcet l’a imprimée ? Pour couper court à toute supposition gratuite sur des surcharges du précieux manuscrit, exécutées par la secte philosophique, j’ajouterai que les mots contestés se trouvaient déjà dans une édition des Pensées antérieure à celle de Condorcet, et publiée par le Père Desmolets.

Je ne laisserai pas échapper l’occasion de justifier Condorcet d’une imputation de même nature, également choquante par sa violence et sa légèreté.

Lisez, Messieurs, l’article Vauvenargues, dans l’ouvrage de La Harpe intitulé Philosophie du xviiie siècle. L’irascible critique vous rappellera d’abord l’éloquente prière qui termine le livre du moraliste provençal ; aussitôt après, il accusera Condorcet d’avoir affirmé, dans des vues anti