Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/349

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narque. Sur ces entrefaites, le dauphin mourut. Sans se donner la peine de consulter les dates, le parti de la cour fit aussitôt de Bailly un homme étranger aux convenances les plus vulgaires, et entièrement dépourvu de sensibilité ; il aurait dû, disait-on, respecter la plus juste douleur ; ses importunités avaient été de la barbarie.

Je croyais qu’il ne restait plus rien aujourd’hui de ces étranges accusations ; les explications catégoriques que Bailly lui-même a données à ce sujet me semblaient avoir dû convaincre les plus prévenus. Je me trompais, Messieurs. Le reproche de violence, de brutale insensibilité vient de se reproduire sous la plume d’un homme de talent et de conscience. Voici son récit : « Il n’y avait pas deux heures que l’enfant royal avait rendu le dernier soupir, lorsque Bailly, président du Tiers, insista pour entrer chez le roi, qui avait défendu de laisser pénétrer personne jusqu’à lui. L’insistance fut telle, qu’il fallut céder. Louis XVI s’écria : « Il n’y a donc pas de pères « dans cette Chambre du Tiers. » La Chambre applaudit beaucoup ce trait de brutale insensibilité de Bailly, qu’elle appelait un trait de stoïcisme Spartiate. »

Autant d’erreurs que de mots. Voici la vérité : La maladie du dauphin n’avait pas empêché les deux ordres privilégiés d’être reçus par le roi. Cette préférence indisposa les Communes. Elles ordonnèrent au président de solliciter une audience. Celui-ci accomplit sa mission avec une extrême réserve. Toutes ses démarches furent concertées avec deux ministres, Necker et M. de Barentin. Le roi répondit : « Il m’est impossible, dans la situation où je me trouve, de voir M. Bailly ce soir, ni