Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/372

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espèce dont nos pères ont été témoins, à y saisir exclusivement les perles, à rejeter dédaigneusement la vase ; les Mémoires de Bailly fourniront à cette œuvre nationale un glorieux contingent. Deux ou trois citations expliqueront ma pensée et montreront, en outre, avec quel scrupule Bailly enregistrait tout ce qui pouvait honorer notre pays.

Je prendrai le premier fait dans l’ordre militaire : un grenadier, garde française, sauve de la mort son chef, dont le peuple croyait avoir beaucoup à se plaindre. « Grenadier, quel est ton nom ? s’écrie le duc du Châtelet, plein de reconnaissance. — Colonel, repartit le soldat, mon nom est celui de tous mes camarades. »

J’emprunte le second fait à l’ordre civil : Étienne de Larivière, un des électeurs de Paris, avait été, le 20 juillet, chercher Berthier de Sauvigny, fatalement arrêté à Compiègne, sur le bruit mensonger que l’assemblée de l’Hôtel de Ville voulait le faire poursuivre comme intendant de l’armée dont, peu de jours auparavant, la capitale était entourée. Le voyage se faisait en cabriolet découvert, et au milieu des rugissements d’une population égarée, qui imputait au prisonnier la rareté et la mauvaise qualité du pain. Vingt fois, des fusils, des pistolets, des sabres, auraient tranché la vie de Berthier, si vingt fois le membre de la commune de Paris ne l’avait volontairement couvert de son corps. Lorsqu’on arriva dans les rues de la capitale, le cabriolet eut à traverser une foule immense, compacte, dont l’exaspération tenait du délire, et qui évidemment voulait se porter aux dernières extrémités ; ne sachant lequel des deux voyageurs était l’intendant de Paris, on se mit à crier : « Que le prisonnier