Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/400

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tions étaient d’un ordre plus élevé ; il les devait à deux jeunes gens qui, parvenus aujourd’hui à un âge avancé, entendent peut-être mes paroles. Bailly discoursit avec eux d’Homère, de Platon, d’Aristote, des chefs-d’œuvre de notre littérature, des rapides progrès des sciences, et principalement de ceux de l’astronomie. Ce que notre confrère appréciait surtout dans ses jeunes amis, c’était une sensibilité vraie, une grande chaleur d’âme. Les années, je le sais, ont laissé chez les deux Bretons ces rares qualités intactes et vivaces. M. Pariset, notre confrère, M. Villenave, trouveront donc naturel que je les remercie ici, au nom des sciences et des lettres, au nom de l’humanité, des quelques moments de douce quiétude et de bonheur qu’ils procurèrent au savant académicien, à une époque où l’ingratitude et l’inconstance des hommes bourrelaient son cœur.

Louis XVI avait péri ; l’horizon se couvrait de sombres nuages ; des actes d’une odieuse brutalité venaient de montrer au savant proscrit combien peu il devait compter désormais sur les sympathies du public ; combien les temps étaient changés depuis la mémorable séance (7 octobre 1791) où l’Assemblée nationale décidait que le buste de Bailly serait placé dans la salle de ses réunions ! L’orage se montrait menaçant et très-prochain ; les personnes les moins prévoyantes songeaient à se ménager un abri.

Sur ces entrefaites, le marquis Charles de Casaux, connu par diverses productions littéraires et d’économie politique, alla supplier notre confrère de prendre passage, avec madame Bailly, à bord d’un bâtiment qu’il avait