Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/430

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épuisa la férocité de la populace, dont il était l’idole, et fut lâchement abandonné par le peuple, qui n’avait jamais cessé de l’estimer. »

On trouve à peu près la même idée dans l’Histoire de la Révolution et dans plusieurs autres ouvrages.

Ce qu’on appelle la populace ne lisait guère, et n’écrivait pas. L’attaquer, la calomnier, était donc jadis chose commode ; car on n’avait pas à craindre de réfutation. Je suis loin de prétendre que les historiens dont j’ai cité les ouvrages aient jamais cédé à des considérations pareilles ; mais j’affirme avec une entière certitude qu’ils se sont trompés. Dans le drame sanglant qui vient de se dérouler à vos yeux, les atrocités eurent une tout autre cause que les sentiments propres des barbares pullulant au fond des sociétés, et toujours prêts à les souiller de tous les crimes ; en termes moins prétentieux, ce n’est point aux malheureux sans propriétés, sans capital, vivant du travail de leurs mains, aux prolétaires, qu’on doit imputer les incidents déplorables qui marquèrent les derniers moments de Bailly. Avancer une opinion si éloignée des idées reçues, c’est s’imposer le devoir d’en prouver la réalité.

Après sa condamnation, notre confrère s’écria, dit La Fayette : « Je meurs pour la séance du Jeu de Paume, et non pour la funeste journée du Champ-de-Mars. » Je n’entends pas sonder ici ces paroles mystérieuses dans tout ce qu’elles laissent entrevoir sous un demi-jour ; mais, quelque sens qu’on leur attribue, les sentiments, les passions des prolétaires n’y joueront évidemment aucun rôle ; c’est un point hors de discussion.