Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/455

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on s’obstina à placer la nouvelle science sous le boisseau. Il ne fallait pas, disaient les autorités de l’École, aider les étrangers à devenir habiles dans l’art des constructions ; les méthodes imparfaites, ou seulement obscures, obligent les ingénieurs à des tâtonnements ; ils sont forcés de démolir plusieurs fois leurs ouvrages, et, d’ordinaire, il en résulte de graves défauts de solidité. Faire plus vite, avec moins de dépense et plus solidement, sont des avantages dont le constructeur français, l’ingénieur militaire surtout, doivent autant que possible conserver le privilége.

Telles étaient les considérations empruntées, avouons le franchement, à un esprit patriotique, petit, mesquin, qui firent intimer à Monge l’ordre de ne rien divulguer, ni verbalement, ni par écrit, de ses succès en géométrie descriptive. Il ne lui fut permis de professer publiquement cette science qu’en 1794, à l’École normale.

Les quinze années d’un silence absolu prescrit par l’autorité, d’un mutisme vraiment cruel, ne furent pas entièrement perdues pour la science. Monge ne pouvant pas mettre le public dans la confidence des études qu’il faisait sur les propriétés des corps, à l’aide de la méthode géométrique des projections, traita les mêmes questions par l’analyse transcendante. Ici, on lui accorda toute liberté. C’est par des recherches analytiques que notre confrère commença à être connu dans le monde savant, et qu’il y prit, dès son début, un rang distingué.

Malgré les difficultés du sujet, j’essaierai de donner une idée générale de la principale découverte de Monge dans ce genre de travaux. Quelques notions préliminaires très-simples faciliteront notre recherche.