Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/469

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les coudes la foule, toujours si prompte à se grouper autour des médisants, alla droit à l’épouseur éconduit, et, d’un ton d’autorité qui n’admettait point de délai dans la réponse, il lui posa cette question : » Est-il vrai, Monsieur (j’ai besoin de vous l’entendre répéter), est-il vrai que vous ayez essayé de nuire à une faible femme, en colportant des anecdotes dont vous connaissiez la fausseté ? — Cela est vrai, mais que vous importe ? — Je vous déclare un infâme ! » reprit Monge d’une voix retentissante. Et l’action, aussi prompte que la foudre, ayant accompagné son exclamation, les spectateurs virent la querelle se dénouer comme celle du père de Chimène et de don Diègue, dans la belle tragédie de Corneille. Seulement le don Diègue souffleté de Mézières n’ayant demandé réparation, ni par procuration, ni personnellement, il arriva que Monge, contre ses prévisions, avait, cette fois, puni un misérable calomniateur, sans courir aucun danger.

À quelque temps de là, Monge rencontra chez des amis de Rocroy une personne de vingt ans dont il devint fortement épris : c’était madame veuve Horbon. Il demanda sa main, sans se donner la peine de recourir, suivant l’usage, à l’entremise d’un tiers. Madame Horbon ignorait la scène de Mézières ; mais la voix publique lui avait appris que le professeur de l’École du génie jouissait de l’estime générale et que ses élèves l’adoraient. Elle hésitait cependant : veuve d’un maître de forges, madame Horbon ne voulait imposer à personne les ennuis d’une liquidation compliquée. Ne vous arrêtez pas, Madame, à de pareilles vétilles, repartit Monge avec viva-