Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/487

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Une fois (les détails qui peignent un caractère et une époque ne sont jamais bas), une fois la famille du savant géomètre avait ajouté un morceau de fromage au pain quotidien. Monge s’en aperçut, et s’écria avec quelque vivacité : « Vous alliez, ma foi, me mettre une méchante affaire sur les bras ; ne nous ai-je donc pas raconté qu’ayant montré la semaine dernière un peu de gourmandise, j’entendis avec beaucoup de peine le représentant Niou dire mystérieusement à ceux qui l’entouraient : « Monge commence à ne pas se gêner : voyez, il mange des radis ! »

Cette pénurie, dont aujourd’hui nous pouvons à peine nous faire une faible idée, faillit, vers la même époque, être fatale au célèbre géomètre.

Après une séance de douze heures dans les foreries de canons, il fut pris d’une esquinancie qui, dès le début, parut très-inquiétante. Berthollet ordonna un bain ; mais on dut renoncer à ce genre de traitement : il n’y avait pas de bois dans la maison de Monge pour faire chauffer de l’eau ; on n’aurait pas trouvé de baignoire dans le quartier.

De semblables incidents se présentaient chaque jour, sans faire aucune impression sur notre confrère. Il avait voué son esprit, son cœur, son âme, son corps, à la fabrication des armes dont les défenseurs de la patrie manquaient ; hors de ce cadre, tout lui paraissait petit, secondaire, insignifiant.

Voyez : madame Monge apprend que son mari et Berthollet ont été dénoncés. Tout éplorée, elle court aux informations, et trouve le célèbre chimiste assis paisible-