Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/518

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que l’Europe nous envie ; la première école du monde ! »

Monge était loin de croire que l’École polytechnique fût absolument sans défauts ; mais il pensait également que, dans le cercle des attributions qui lui avaient été prescrites, le conseil de perfectionnement pourrait seul statuer en connaissance de cause sur les légers changements dont l’expérience semblerait indiquer l’utilité. Aussi exhala-t-il hautement sa douleur lorsque Napoléon se montra décidé, en 1805, à modifier l’institution dans ses bases les plus essentielles et de sa pleine autorité. Monge combattit ce funeste projet à plusieurs reprises. Les raisonnements n’eurent pas plus d’effet que ses prières : la politique avait prononcé.

De toutes les modifications apportées en 1805 à l’organisation de l’École polytechnique, celle qui froissa le plus vivement la fibre populaire de Monge fut la suppression de la solde journalière accordée aux élèves, et l’obligation à contracter par chaque candidat, dès le jour de son examen, de payer une forte pension. L’établissement national lui parut alors être descendu de la région élevée où les décrets de la Convention l’avaient placé. Le privilége de la fortune faisait irruption là où le mérite intellectuel des candidats semblait, d’après les règles du plus simple bon sens, devoir seul décider des admissions et des rangs. La création d’un petit nombre de bourses ou de demi-bourses aux frais de l’État n’était qu’un palliatif. Monge porta personnellement remède à un mal que dans sa jeunesse il avait si douloureusement ressenti lui-même ; dès qu’une place de sénateur lui eut donné de l’aisance, les 6,000 francs qu’il recevait comme professeur furent