Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/539

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l’on faisait à Paris, à Toulon, à Gênes, à Civita-Vecchia, les immenses préparatifs de la campagne d’Égypte. Peut-être n’a-t-on pas assez remarqué une circonstance singulière de cette mémorable expédition : je veux parler du voile impénétrable dont elle resta enveloppée, quant à sa destination et à son but, jusqu’après le moment où la flotte eut mis à la voile. On pourrait être tenté de trouver là une justification sans réplique du reproche d’indiscrétion qui nous est si souvent adressé par les autres nations ; mais on n’ignore pas que dix à douze personnes au plus avaient été mises dans le secret. Je vois dans une lettre de Civita-Vecchia, adressée au général Bonaparte, en date du 6 prairial an vi (25 mai 1798), que Monge était une de ces dix à douze personnes privilégiées. En se rappelant qu’un des généraux les plus illustres de notre vaillante armée, que Kléber lui-même quitta Toulon sans savoir où il allait combattre, on se fera une juste idée de la place que notre confrère avait conquise dans l’estime et dans l’affection du général en chef.

Le recrutement du personnel scientifique de l’expédition s’opérait à Paris par les soins de Berthollet, en son nom et au nom de Monge. Nous ignorons, disait l’illustre chimiste, vers quelle région l’armée va se diriger. Nous savons que le général Bonaparte en aura le commandement, et que nous formerons une commission scientifique destinée à explorer les pays lointains dont nos légions auront fait la conquête. C’est sur la foi d’une déclaration si vague que quarante-six personnes, ayant appartenu à l’École polytechnique ou en faisant encore partie à divers titres, sollicitèrent, comme une faveur insigne, d’être