Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/557

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ni de politique, était à leurs yeux un véritable phénomène. Ils comprenaient encore moins que le chef suprême de l’expédition, que le vainqueur de Mourad-Bey, que le sultan Kébir, pour parler leur langage, n’eût qu’une voix dans les scrutins, comme le plus humble membre de l’Institut, et qu’il consentît à courber ses opinions personnelles devant celles de la majorité.

Dans ce cas-ci, tout était neuf, sans précédents ; aucune légende orientale, aucun conte, parmi les plus romanesques, n’avaient fait mention d’une république des lettres. Lorsque cette république apparut aux habitants du Caire, ils donnèrent un libre cours à leur surprise, et dévoilèrent ainsi nettement les causes qui, en d’autres circonstances, les avaient fait paraître si apathiques.

Dans la série de tentatives auxquelles Monge se livra pour amener les musulmans à reconnaître notre supériorité, il en est une dont le besoin d’abréger me déciderait à ne point faire mention si des recherches toutes récentes d’un érudit n’étaient venues, à mon sens, lui donner un véritable intérêt.

Sur la proposition de Monge, on chercha à conquérir les sympathies des Égyptiens par les charmes de la musique. Un orchestre nombreux, composé d’artistes très habiles, se réunit un soir sur la place Esbékiéh du Caire, et exécuta en présence des dignitaires du pays et de la foule, tantôt des morceaux à instrumentation savante, tantôt des mélodies simples, suaves, tantôt enfin des marches militaires, des fanfares éclatantes. Soins inutiles ; les Égyptiens, pendant ce magnifique concert, res-