Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/562

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ses boulets, de les payer vingt sous, et de les entasser au parc. » Ces paroles éclairaient toute la situation. Les écrivains systématiques qui cherchaient anciennement à évaluer les plus longues durées de la résistance possible des forteresses n’avaient pas cru devoir s’occuper, même théoriquement, d’une attaque où l’assiégeant serait réduit dans ses moyens d’action, aux projectiles que lui lancerait l’assiégé.

À partir du jour où la lettre du 25 germinal lui fut connue, Monge désespéra entièrement de la prise de Saint-Jean d’Acre, et les médecins de son rétablissement.

Les choses, en ce qui touchait la santé de notre confrère, tournèrent tout autrement qu’on ne l’avait craint. Tant que la question pendante parut être très-sérieusement la reddition de la ville de Djezzar-Pacha, le moindre mécompte dans l’effet d’une mine, dans le passage projeté d’un fossé, dans l’assaut d’un ouvrage avancé, mettait le malade au désespoir, et amenait dans son état des crises très-dangereuses. Du moment où Monge fut convaincu que la retraite était inévitable, que les derniers efforts n’avaient qu’un but, le droit d’écrire légitimement sur les bannières de l’armée, l’honneur est intact, le calme revint, et notre confrère ne parut plus guère occupé qu’à classer méthodiquement dans sa mémoire les événements qu’on lui transmettait.

Parmi ces événements, il en est un qui fit sur Monge une impression profonde, ineffaçable. Quand il la racontait, même quinze ans après, ses yeux jetaient des éclairs, des larmes de satisfaction humectaient ses paupières. « De ce moment, disait-il, je compris que la vraie