Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/564

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planta, suivant sa promesse, le drapeau que le général Bonaparte lui avait remis au moment où il débouchait de la tranchée, et il en confia la garde à un sous officier. Toutes les issues de la tour étaient barricadées. L’ennemi occupait la partie encore intacte, et de là faisait rouler sans cesse sur le détachement des bombes, des boulets creux, des matières incendiaires. Dans une sortie de la garnison de la place, les vingt-cinq soldats du fossé, après une magnifique défense, furent tous exterminés. Sur la brèche, le nombre des hommes valides se trouvait réduit à dix. Aucune disposition n’annonçait qu’on voulût leur porter secours, quoique depuis une heure ces braves gens se maintinssent dans cette position périlleuse. Le capitaine commanda donc la retraite ; mais, au moment du départ, le sous-officier préposé à la garde du drapeau fut tué sans qu’au milieu d’une fumée épaisse et de tourbillons de poussière personne s’en aperçût. Le capitaine, après avoir échappé à mille périls, était rentré dans la tranchée, lorsqu’en se retournant il vit son drapeau flottant encore au sommet de la tour. Aussitôt il s’élance, remonte seul à l’assaut et va le reprendre. Ses habits sont criblés de balles ; il a reçu deux graves blessures, mais sa glorieuse bannière n’est pas restée aux mains de l’ennemi.

Il est des faits que les biographes, sous peine d’une sorte de sacrilège, doivent rapporter avec une exactitude scrupuleuse. Telle est la pensée qui me dominait lorsque je m’attachais à reproduire le récit que Monge m’avait fait, plusieurs fois, de l’action héroïque du capitaine de la 85e demi-brigade. Je me demandais avec inquiétude