Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/585

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ciait pas, qu’il n’aimait pas La Fontaine ! On pouvait très-légitimement s’étonner de cette singularité ; je concevrais même qu’on eût voulu s’en faire une arme pour empêcher l’illustre géomètre d’être admis à l’Académie française, si jamais il avait songé à l’honneur de lui appartenir. Aller plus loin, c’était tomber dans l’exagération et le ridicule. Ne pourrais-je pas, si une indiscrétion m’était permise, citer un poëte contemporain très-aimé du public qui, lui aussi, chose singulière, décrie à toute occasion les vers du bonhomme, et déclare ne leur trouver aucun mérite ? Mais j’aime mieux chercher des exemples de semblables bizarreries chez des auteurs anciens. Boileau ne méconnut-il pas le mérite éminent de son contemporain Quinault ? Qui ignore qu’un des plus élégants écrivains du siècle de Louis XIV, Malebranche, déclarait « que jamais il ne put lire dix vers de suite sans dégoût. » Monge aimait les vers ; il n’avait d’antipathie que pour ceux de l’immortel fabuliste. Plaignons-le, car il fut privé d’un des plaisirs les plus grands et les plus profitables qu’on puisse trouver, à tout âge, dans la lecture de La Fontaine ; hâtons-nous d’ajouter que, malgré ce manque extraordinaire de goût sur un point de littérature spécial et circonscrit, la Géométrie descriptive, le traité de météorologie et la plupart des Mémoires de Monge seront toujours cités comme des modèles dans l’art d’écrire sur des matières scientifiques.

Fermement résolus à dénier à notre confrère tous les genres de mérite, même ceux dont la postérité prend d’ordinaire très-peu de souci, les biographes réacteurs et haineux dont j’examine l’œuvre mensongère s’attaquèrent