Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/594

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

tenterons une opération qui pourra bien se terminer par un combat ; il y aura peut-être du sang répandu. »

Le moyen le plus assuré de conquérir l’affection et la reconnaissance d’un homme de cœur, c’est d’être favorable à ses amis ; Napoléon ne le méconnut pas : il accueillait les demandes que Monge lui adressait pour des savants dans l’adversité, avec un grand empressement.

Souvent la concession d’une faveur était entourée de formes qui en doublaient le prix.

« Vous avez plusieurs fois voulu me faire de riches cadeaux, dit un jour Monge à l’Empereur ; je ne l’ai pas oublié, mais vous vous souviendrez aussi que je n’ai jamais accepté. Aujourd’hui, au contraire, je viens vous demander, sans hésiter, une forte somme. — Cela m’étonne, Monge ; parlez, je vous écoute. — Berthollet est dans l’embarras ; lui qui calcule si bien quand il s’agit d’analyses chimiques, s’est jeté dans des constructions de machines, de laboratoires, dans de grandes dépenses relatives à des jardins destinés à des expériences ; ses prévisions ont été dépassées. Mon ami doit cent mille francs. — Je ne veux pas vous priver du plaisir de les lui offrir ; vous recevrez demain un bon de cent mille francs sur ma cassette. »

Dans la nuit, Napoléon changea d’avis ; au lieu d’un bon, il en envoya deux : cent mille francs étaient destinés à Berthollet, et cent mille francs à Monge.

Cette fois, le géomètre ne fut pas libre de refuser ; les termes de la lettre d’envoi n’en laissaient pas la possibilité. L’ancien général de l’armée d’Orient ne voulait pas