Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/600

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pensé à eux, et qu’un ministre restait dans la limite de ses pouvoirs en interdisant à des concitoyens de se montrer reconnaissants. Heureusement, Messieurs, un grand nombre de savants, d’hommes de lettres, de vieux militaires, d’artisans, comprirent tout autrement leurs droits et leurs devoirs. Grâce à eux, des cendres illustres reçurent un hommage public et solennel. Deux membres de cette Académie, MM. Huzard et Bosc, se signalèrent entre tous dans cette circonstance : ils feignirent d’oublier que Monge avait été destitué, qu’il n’était plus leur confrère, et se joignirent au cortége en costume de membre de l’Institut. Cette protestation significative, quoique muette, contre une mesure odieuse, fit dans le moment une vive sensation. Me serais-je trompé, en me figurant que l’acte de courage des deux membres de la section d’agriculture pouvait être l’objet d’un respectueux souvenir ? Tout ce qui honore les lettres doit, ce me semble, trouver place dans nos fastes.

Berthollet prononça sur la tombe encore entr’ouverte de son vieil ami un discours qui mettait noblement en relief les mérites transcendants de l’académicien et du professeur, les services rendus au pays par le citoyen.

Le lendemain, jour de sortie à l’École polytechnique, les élèves, bravant les colères ministérielles, se rendirent en corps au cimetière du Père Lachaise. Ils adressèrent un dernier, un touchant adieu à leur ancien professeur, et déposèrent respectueusement des couronnes sur sa tombe. Cette manifestation n’étonna personne : en France, la jeunesse s’est toujours distinguée par la noblesse et l’élévation des sentiments. Voulez-vous la trouver docile,