Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/602

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table compagne de Monge ; les paroles d’une femme demandant, après un laps de trente années, que les mérites éclatants de son mari fussent proclamés dans le lieu même d’où il avait été brutalement exilé, victime de haines politiques à la fois mesquines et odieuses ; les paroles entremêlées de sanglots d’une centenaire réclamant une sorte de réparation solennelle pour l’homme de génie dont elle avait noblement partagé la bonne et la mauvaise fortune, ne laissaient aucune place aux calculs, aux préoccupations de l’amour-propre.

N’oublions pas de rappeler que, dans le cours de l’année 1818, il fut ouvert une souscription destinée à élever un monument à la mémoire de notre confrère, et, circonstance très-digne de remarque pour l’époque, que le signal était parti d’un régiment d’artillerie, de celui qui tenait garnison à Douai. Ce monument funéraire, ce témoignage de la reconnaissance, de la vénération d’un très-grand nombre d’élèves, avait le double caractère d’hommage et de protestation. Il était jadis visité, avec intérêt et recueillement, par les hommes instruits de tous les pays qui venaient passer quelques semaines dans la capitale. Aujourd’hui, le voyageur le trouve à peine dans le dédale de tombeaux de dimensions colossales que l’engouement irréfléchi du public, ou la vanité des familles, a élevés à la mémoire d’individus dont la postérité ne prendra certainement nul souci. Il est (permettez l’emploi d’un mot nouveau à qui doit parler d’une chose nouvelle), il est comme enseveli sous une multitude de réclames en pierre, en bronze, en marbre qui vont transformant nos principaux cimetières en bureaux d’adresses.