Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 2.djvu/615

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tains, la nuit, près de leurs barques, se voie d’autant mieux qu’on la regarde de plus loin. Ils admirent la description poétique des courses d’un jeune amoureux, sans se croire obligés d’admettre que le lever de la lune précède toujours le lever du soleil du même nombre d’heures. Appuyés sur les décisions de la science, ils refusent de croire, malgré le charme de très-beaux vers, que les ossements fossiles qui meublent tous nos musées, soient des restes de squelettes humains. Enfin, lorsque le poëte, voulant dépeindre le retentissement de ses pas dans une galerie, s’écrie : « C’était sonore comme le vide ! » le lecteur fùt-il très-peu savant, oublie les grâces du discours, pour se rappeler que le bourdon de Notre-Dame lui-même, mis en branle dans une chambre privée d’air, ne produirait pas plus de bruit que n’en font les astres en parcourant leurs orbites dans les profondeurs du firmament. Mais j’ai trop insisté peut-être sur ces aberrations regrettables d’un écrivain de génie, et je reprends mon récit. Poisson, qui s’était placé à la tête des candidats reçus à l’École en 1798, devenu élève, conserva son rang. Lagrange faisait alors un cours sur les fonctions analytiques, et il ne se passait presque pas de séance où il n’apprît soit par une note communiquée, soit par les réponses faites au tableau, qu’il y avait dans son auditoire un jeune homme qui trouvait le secret de jeter sur ses démonstrations une élégance et une clarté inattendues. Lagrange s’empressait de rendre une justice éclatante à ces tentatives ; et bientôt le bruit se répandit dans la capitale que l’École renfermait un jeune géomètre destiné à continuer ceux qui alors illustraient la France.