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MALUS.

Jaffa et investirent cette ville, dont on résolut le siége. Les opérations se faisaient sans qu’on se conformât aux règles de la science posées originairement par Vauban. Notre jeune officier raconte que la batterie de brèche appuyée par des places d’armes de trop petite dimension, fut surprise la nuit par une sortie des troupes de la ville. Les têtes de nos soldats, transportées dans Jaffa, y étaient payées au poids de l’or ; la tête de Malus ne figura pas au nombre de ces trophées sanglants, par la seule raison qu’au moment de l’envahissement silencieux de la batterie par les Turcs, il était endormi dans une des anfractuosités du retranchement. La brèche ayant été ouverte et la garnison n’ayant pas répondu à la sommation qui lui fut faite, on monta à l’assaut au son de la musique de tous les régiments. Ici je n’extrais plus, je copie :

« L’ennemi fut culbuté, épouvanté, et se retira après une fusillade assez vive dans les maisons et les forts de la ville ; il se soutint dans plusieurs points et continua le feu environ une heure. Pendant ce temps, les soldats répandus de toutes parts égorgeaient hommes, femmes, enfants, vieillards, chrétiens, turcs ; tout ce qui avait figure humaine était victime de leur fureur.

Le tumulte du carnage, les portes brisées, les maisons ébranlées par le bruit du feu et des armes, les hurlements des femmes, le père et l’enfant culbutés l’un sur l’autre, la fille violée sur le cadavre de sa mère, la fumée des morts grillés par leurs vêtements enflammés, l’odeur du sang, les gémissements des blessés, les cris des vainqueurs se disputant les dépouilles d’une proie expirante,