Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/570

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même dans celles de ses pièces où le sujet paraît le plus frivole. L’amusement, la gaieté, le rire, ne marchent qu’en seconde ligne : ce sont pour lui les moyens. Voyez les Amants magnifiques. Louis XIV veut qu’on représente deux princes se disputant le cœur d’une femme, en donnant, à l’envi l’un de l’autre, des fêtes magnifiques et galantes. Molière jette un devin parmi tes acteurs de ce fade tournoi, et l’astrologie judiciaire, encore vivace en 1670, tombe dans un ridicule auquel elle n’a point survécu.

Une autre fois, Molière flétrit l’avarice en traits mordants, ineffaçables. Les sentiments, les démarches, les préoccupations, le langage de l’avare tout est reproduit sur la scène avec une admirable fidélité. Le spectateur atteint de ce vice, oublie que la pièce a plus de cent cinquante ans de date ; il s’imagine avoir posé devant le grand peintre ; il lui arrive enfin de craindre qu’un voisin clairvoyant ne s’écrie : Harpagon ! Harpagon ! voici ton modèle.

Philosophes, moralistes, législateurs, inclinez-vous devant Molière ; les gais tableaux du comédien ont, je le répète, plus heureusement, plus profondément modifié la société civile, , que n’avaient réussi à le faire et vos .ennuyeux sermons et vos prescriptions impérieuses.

Il n’est pas jusqu’à de simples travers dont Molière n’ait voulu préserver les hommes de bien tel est le but réel du Misanthrope, un des chefs-d’œuvre de l’esprit humain. L’auteur a réussi avec un art merveilleux avec une finesse de tact qui étonne, à faire sourire aux dépens de son misanthrope, tout en le laissant le personnage de