Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences, tome 3.djvu/571

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la pièce auquel chaque spectateur honnête voudrait ressembler de préférence.

Un œil vulgaire n’aperçoit, en général dans les sociétés modernes qu’une superficie commune, que des caractères d’une uniformité banale. Le contemplateur, c’est ainsi que Boileau appelait Molière, avait trouvé le secret de découvrir les vices des hommes au milieu de leurs astucieuses métamorphoses. Il sut, dans l’occasion, écarter d’une main ferme les enveloppes d’emprunt, jeter au loin tout bagage de convention, se saisir du fond même des caractères, et tracer des peintures qui seront éternellement vraies, car les modèles ont été pris dans la nature même.

Molière réussit ainsi à démasquer les hypocrites, les faux dévots. Il eut le courage d’exposer ces personnages sur la scène dans toute leur laideur, et avec l’accompagnement de bassesse, de perfidie, d’ingratitude qui les caractérise.

De ce moment, la vie du poëte fut un pénible combat.

Les faux dévots tiraient de leurs odieuses menées, de trop gros avantages pour y renoncer sans lutte. A force d’astuce, d’habileté, de persévérance, ils intéressèrent à leur cause des personnes respectables, sincèrement pieuses, et se crurent certains du triomphe. Ils criaient dans tous les lieux et sur tous les tons qu’un misérable comédien s’était scandaleusement arrogé le droit de juridiction en matière sacrée.

Le misérable comédien resta inébranlable. Il opposa la fermeté de l’homme de bien à d’infernales intrigues.

Dans la pièce immortelle, le principal personnage veut