Page:Arago - Œuvres complètes de François Arago, secrétaire perpétuel de l’académie des sciences - Astronomie populaire, tome 1.djvu/189

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
LIVRE IV. — HISTOIRE DES INSTRUMENTS.

battre les mille et une infirmités qui semblent inséparables de notre nature. Si quelques personnes, plus frappées de la simplicité de l’appareil que de son utilité, trouvaient mes paroles empreintes d’un peu d’exagération, je croirais pouvoir les inviter à ne prononcer qu’après avoir examiné autour d’elles, dans le cercle borné de leurs relations privées, tout ce qui adviendrait le jour où cette invention serait perdue ; tarderont-elles beaucoup, par exemple, à rencontrer un individu dont la vue est si courte qu’il ne distingue plus les objets dès qu’on les place à quatre ou cinq centimètres ; en bien, par cela seul cent carrières lui sont interdites. La nature l’avait peut-être destiné à commander des armées, à diriger des escadres, à compléter l’exploration du globe sur les traces des Bougainville et des Cook. Mais pour tout cela il faut voir à de grandes distances, apprécier au premier aspect les accidents d’un terrain ; juger la position et la force de l’ennemi ; surtout ne pas le confondre avec ses propres troupes : une myope ne saurait donc commander. Suivez le ensuite dans la vie ordinaire, une promenade est pour lui un supplice. Voyez, en effet, comme il est incertain dans sa démarche ; avec quelle maladresse il va se heurter contre mille obstacles, combien sont inutiles pour lui les indications multipliées qu’une administration prévoyante place sur la route des citoyens. Rien à ses yeux n’a un contour décidé ; le plus beau paysage est une masse de lumière plus ou moins éclatante, tout y est confondu et sur le même plan : il ne discerne ni les habitations, ni les arbres, ni les montagnes. Ne lui parlez pas de peinture, il ne peut s’en faire une idée ; un tableau de Raphaël